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Réseaux sociaux Les éleveurs prennent leur com en main

Les éleveurs twittos, youtubeurs, facebookeurs sont de plus en plus nombreux. Ils ne laissent plus les autres communiquer sur leur métier. Ils ont décidé de le faire eux-mêmes.

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Il y a vingt ans, c’était la vache folle, il y a dix ans les nitrates. Aujourd’hui, c’est le bien-être animal. « Ce n’est pas un débat de bobos parisiens relayé par la presse. Il a lieu dans la famille, avec les amis. Les éleveurs le savent bien. Ils y sont confrontés », observe Jean-Marc Bèche, chargé de mission pour l’information sur le métier d’éleveur au Cniel. « Celui des pesticides s’adresse plutôt aux céréaliers. » Sans oublier le bruit de fond contre l’élevage industriel et les inquiétudes liées à l’alimentation des animaux. Facebook, Twitter, YouTube… : les réseaux sociaux sont logiquement traversés par ces interrogations et ces mises en cause, qui peuvent être virulentes. Les vegans sont des spécialistes en ce domaine. Deux twittos désormais bien connus, Étienne Fourmont et Antoine Thibault, en ont fait les frais. « J’ai dû bloquer une centaine de comptes », souligne ce dernier. La tentation est de répondre sur le même mode. « Surtout pas, réagit Jean-Marc Bèche. On ne peut pas reprocher aux vegans d’être des militants extrémistes si l’on adopte soi-même une posture identique. »

Plutôt que l’affrontement, il prône le témoignage. « L’affrontement ne mène à rien. En revanche, que ce soit sur Twitter, à la télévision ou avec ses voisins, parler de ce que l’on fait et dire pourquoi n’est pas contestable. Le témoignage est un argument en soi. Il invite l’autre à réviser sa position, mais l’éleveur, lui aussi, fait un pas. »

Rompre avec le dialogue de sourds entre éleveurs et consommateurs

Sinon, c’est un dialogue de sourds car éleveurs et consommateurs ne sont pas sur le même registre. Les premiers parlent de techniques, de rentabilité. Les seconds sont dans l’émotion. L’exemple classique est la séparation de la mère et du veau dès la naissance. « Cela se passe beaucoup mieux lorsque je le fais juste après la naissance plutôt que quelques jours après. Les gens le comprennent quand je leur explique », confirme Jeltsje Algera, éleveuse en Bretagne.

« Il ne faut pas se tromper, reprend Jean-Marc Bèche. La cible n’est pas les 2 % de vegans, mais le reste de la population. C’est à elle que les producteurs apportent leurs informations. »

Le Cniel propose des formations destinées aux twittos

Le chargé de mission du Cniel forme depuis quinze ans les éleveurs à cette méthode de dialogue. Au départ, il s’agissait d’éleveurs du réseau FNPL à la suite de la crise ESB. Le public évolue. Pour la première fois, en novembre dernier, la formation gratuite de deux jours deux fois par an est proposée à dix-huit twittos, dont Étienne, Jeltsje et Antoine. « Les éleveurs ont un projet professionnel très pensé. Il est tellement intégré qu’ils ne voient pas l’intérêt d’en parler. La formation les pousse à réfléchir sur eux-mêmes, ce qui doit les aider à dialoguer plus aisément. » Si l’éleveur souhaite communiquer à la fois avec ses collègues et le grand public, Jean-Marc Bèche prône la création de deux comptes Twitter ou Facebook pour ne pas mélanger les genres.

« Il faut un message neutre pour toucher un large public. L’appartenance syndicale, par exemple, peut rebuter. » A minima, il suggère que l’intitulé du compte ne mentionne pas les attaches professionnelles.

Étienne Fourmont, lui, préfère aborder les deux aspects sous la même bannière. « Il y a assez de comptes “gentils’’. »

L’association Agriculteurs de Bretagne fait un autre choix : cinquante-deux témoignages de producteurs (un par semaine), sous le drapeau breton @agribretagne. Jeltsje a lancé l’initiative en août dernier.

CLaire Hue

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